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présente à une consommation future plus utile, une consommation prochaine à une consommation éloignée. Ce fait est la cause de bien des emprunts, il explique dans bien des cas ou il contribue à expliquer que l’on ne veuille prêter ou placer de l’argent que moyennant l’assurance de percevoir, au remboursement de l’avance, un certain surplus. Et à coup sûr il est contraire à l’intérêt général que la dépréciation au futur ait ces effets : l’intérêt général voudrait que, à utilité égale, la consommation future est estimée autant que la consommation présente. Mais on ne peut pas dire qu’il y ait toujours ici conflit entre l’intérêt général et l’intérêt particulier : il est de l’intérêt de l’individu pour autant que cet individu ne pense pas à la mort, ou qu’il considère ses héritiers comme ses successeurs au sens plein du mot, de ne pus établir de différence entre le présent et le futur. En outre, si l’individu sacrifie le futur au présent, ce n’est pas essentiellement la faute au régime de la propriété privée. Il n’est pas inconcevable que ce régime subsistant, les individus cessent de déprécier les biens futurs, comme il n’est pas inconcevable que dans un régime socialiste les hommes chargés de régler le quantum de la capitalisation celle-ci serait devenue une opération sociale — accroissent la consommation du présent au détriment de la consommation future[1].

9. Quand il arrive aux individus de préférer aux biens futurs les biens présents, c’est délibérément qu’ils vont à l’encontre de leurs intérêts, et du même coup à l’encontre de l’intérêt général, D’autres fois les individus vont sans le vouloir à l’encontre de leurs intérêts. Des erreurs de toutes sortes peuvent être commises dans les opérations capitalistiques.

1° On peut commettre des erreurs que j’appellerai subjectives. Elles sont parfois d’ordre général : l’individu, incapable de concevoir nettement la règle générale qui devrait le guider dans ses opérations capitalistiques, adopte une des règles approximative ment justes dont a parlé Böhm-Bawerk, Il y a aussi des erreurs subjectives particulières : on se trompe dans la prévision des ressources, des besoins qu’on aura dans l’avenir.

2° On commet d’autre part des erreurs objectives. Quand on fait un placement, on peut se tromper sur la quantité de produit que fera obtenir l’avance consentie, comme aussi sur la valeur que prendra ce produit. Il peut se faire encore qu’on engage une dépense de n pour avoir un certain surcroît de produit, et que peu de temps après il se découvre quelque procédé permettant d’obtenir le même surcroît de produit avec une dépense de seule-

  1. Il en serait effectivement ainsi en régime socialiste, à ce qu’affirment les adversaires du socialisme ; mais on n’est pas absolument forcé de les en croire.