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seraient justifiées que si, le travailleur ayant créé son produit sans aucun secours, le capital intervenait ensuite pour enlever par la force au travailleur une partie de ce produit : que si le travailleur, dans le contrat qu’il va passer avec son employeur, n’était pas libre, je veux dire, sil ne trouvait pas son avantage à passer ce contrat[1]. Et l’on ne constate rien de tel.

Cette première remarque me dispenserait à la rigueur d’en présenter d’autres. Toutefois, si cette thèse de Rodbertus et de Marx était fondée, qui veut que la valeur soit mesurée par le travail[2], la théorie de l’exploitation conserverait une grande importance scientifique. Le capital serait un facteur indispensable de la production, et il deviendrait nécessaire de rechercher — ce que ni Rodbertus ni Marx n’ont fait suffisamment — pourquoi il en est ainsi, comment le capital permet de produire davantage, comment

  1. Toutes les assimilations que l’on a faites de la nécessité où l’ouvrier se trouve d’accepter les conditions qui lui sont offertes avec le contrainte physique, tout ce que l’on dit au sujet du caractère formel et illusoire de la liberté de l’ouvrier dans le contrat du travail ne saurait prévaloir contre cette constatation. L’ouvrier a avantage à vendre sa force de travail le prix qui lui en est donné ; employé par le capital, il produit plus qu’il ne produirait autrement ; donc le produit qu’il crée, il ne le produit pas proprement à lui seul.
  2. Pour Marx, cette thèse était-elle vraiment une loi scientifique, au sens ordinaire du mot ? il y a lieu d’en douter. J’incline pour ma part à adopter l’interprétation de Croce. La valeur-travail de Marx serait « un fait pensé et pris comme type », qui servirait « de terme de comparaison, de mesure, à l’égard de la société capitaliste » (Croce, Matérialisme historique et économie marxiste, pp. 93-114 de la trad. fr., Paris, 1901). Par là deviendrait compréhensible ce que Marx a dit des oscillations du prix autour de la valeur ; par là se résoudrait la contradiction apparente du liv. 1 du Capital, dans lequel la plus-value est donnée comme proportionnelle à la quantité de la main-d’œuvre salariée par le capitaliste, et du liv. III, où le profit se proportionne à la quantité du capital. Mais il reste qu’on peut se demander dans quelle mesure la théorie de Marx aide à comprendre le fait de l’intérêt, et il est légitime de critiquer cette théorie en tant qu’elle prétendrait expliquer la réalité économique, puisqu’aussi bien elle a reçu souvent cette interprétation.