journées de travail. Qu’arrivera-t-il si notre pêcheur se met à fabriquer un engin demandant six journées de travail ? La durée moyenne de l’attente sera portée d’un jour et demi à trois jours ; le produit sera-t-il de 24 livres de poisson — soit 4 livres par journée de travail —, de 18 livres — soit 3 livres par journée de travail —, de 12 livres — 2 livres par journée de travail —, ou de 10 livres — 1 livre et deux tiers par journée de travail — ? Je vois bien que ce produit dépassera 9 livres, soit 1 livre et demie par journée de travail ; car si en trois journées on construit un engin qui prend 9 livres de poisson, il doit y avoir moyen avec une dépense plus grande — ne serait-ce qu’en construisant un engin semblable au premier, mais plus soigné — de s’assurer un produit plus grand. Mais Böhm-Bawerk veut que le produit dépasse 12 livres, et même qu’il dépasse 18 livres ; il décide que pour chaque journée de travail qu’il aura coûté, le nouvel engin rapportera plus de produit que le premier : ce qui n’est fondé sur rien, et qui est contredit par un très grand nombre d’observations[1].
Ainsi donc, avec les allongements successifs du processus productif, les quantités de produit obtenues à dépense égale iront en croissant d’abord, puis ensuite en décroissant. Ou plutôt, comme on peut toujours
- ↑ Cette confusion si grave où Böhm-Bawerk est tombé n’a pas été, que je sache, indiquée par ses critiques. Lexis (dans le Jahrbuch für Gesetzgebung, XIX, I, p. 335), Macvane (Böhm-Bawerk on value and wages, Quarterly journal of economics, V, oct. 1890, pp. 34 et suiv.) et d’autres ont représenté que la longueur des processus productifs était souvent déterminée d’une manière rigoureuse par des conditions naturelles et techniques. Mais ce n’est pas préciser assez. J’aurai à revenir plus loin (au chapitre IX) sur cette question des effets de l’allongement du processus productif. J’indique seulement en passant que si les processus productifs que l’on adopte dans la réalité ne sont pas en général très longs, cela tient principalement à ce fait ici noté que l’accroissement de la productivité technique, quand la durée du processus s’allonge, n’est pas indéfini.