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revenu représentent plus que le prix d’achat de ces fonds.

Analogue à la théorie de Turgot est celle de George. Il est des biens, remarque George, qui prennent avec le temps une valeur plus grande, et cela par la seule action des forces naturelles, sans que l’homme ait à intervenir, que d’une manière tout à fait accessoire. George ne parle plus des terres, de leur rente et de leur prix d’achat ; il considère ces biens destinés à une consommation destructive qui se bonifient avec le temps, tout comme certains, à l’inverse, se détériorent : par exemple le vin qui devient meilleur en vieillissant, l’œuvre d’art qui se patine ; il considère encore ces biens, consommables ou non en eux-mêmes, périssables ou indestructibles, qui produisent des fruits au sens propre du mot, c’est-à-dire des biens consommables que l’on détache d’eux, où qui rendent des services, et qui produiront plus de fruits, qui rendront plus de services avec le temps : le veau qui deviendra un bœuf, le troupeau qui croît périodiquement, le taillis qui se transformera en forêt. Celui qui a des capitaux peut les employer à acheter de tels biens : les achetant, il percevra des intérêts. Et ainsi, dit George, les capitalistes pouvant tous s’assurer des intérêts de cette manière, aucun d’eux ne consentira à se dessaisir de ses capitaux que moyennant des intérêts[1].

91. La théorie de la fructification a été excellemment réfutée par Böhm-Bawerk[2]. Dans la forme qu’elle a reçue chez Turgot, elle laisse très aisément apercevoir ce qui en est le vice : à savoir qu’elle fonde l’intérêt sur un fait qui suppose lui-même

  1. Progrès et pauvreté (trad. fr., Paris, 1887), III, 3.
  2. I, pp. 71-80, 582-584.