Page:Landry, L’intérêt du capital, 1904.djvu/183

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ascètes[1]. Mais ceci encore n’attaque en rien la solidité de la théorise de l’abstinence. L’intérêt du capital rémunère l’abstinence du capitaliste ; cela ne veut pas dire que le taux courant de l’intérêt assurera seulement, pour tous les capitalistes, la rémunération de leur abstinence : les moins favorisés des capitalistes auront juste cette rémunération, ou à peine un peu plus ; les autres recevront peut-être beaucoup plus que ce dont ils se fussent contentés ; de même le prix d’une marchandise représente l’utilité de cette marchandise pour les moins avantagés des acheteurs — il est déterminé par cette utilité marginale —, et laisse les autres acheteurs, bénéficier d’une espèce de rente subjective[2].

84. Il n’y a donc rien de sérieux dans les objections des socialistes à la théorie de l’abstinence. Tout ce que nous apprennent ces objections, c’est qu’il faut se garder de tirer de la théorie de l’abstinence les conclusions apologétiques où elle peut paraître conduire, et où ont voulu nous conduire ses auteurs. Mais cette question de la valeur apologétique de la théorie de l’abstinence lest une question où je me réserve de revenir bientôt. C’est la valeur explicative de la théorie qu’il s’agit en ce moment d’examiner.

Sur ce point, la théorie de l’abstinence a été l’objet de critiques diverses. Tout d’abord on a protesté contre la façon trop étroite dont l’abstinence avait été entendue souvent. Pour beaucoup des économistes qui ont parlé de l’abstinence, celle-ci se présentait uniquement sous la ferme d’une épargne de biens de consommation. À quoi l’on répond que l’épargne n’est pas le seul mode par lequel on puisse constituer

  1. Herr Bastiat-Schulze von Delitzsch, p. 110.
  2. Semblablement Böhm-Bawerk, I, pp. 332-335.