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Brahms éprouva d’abord pour Clara Schumann une grande reconnaissance de l’avoir si généreusement soutenu à ses débuts dans la vie artistique. Puis il l’admira comme musicienne, comme pianiste, comme interprète de ses œuvres. Il fut touché de son malheur et de son dévouement au pauvre fou qu’était devenu son génial mari. Il apprécia ses talents de ménagère, son esprit pratique dans l’organisation d’une vie difficile et dans l’éducation de sept enfants sans père. Elle devint à ses yeux la femme idéale, celle peut-être qu’il aurait voulu rencontrer libre, et qu’il aurait alors épousée avec joie, mais si elle avait eu quinze ou vingt années de moins. Elle fut pour lui celle dont il aurait voulu, et qu’il ne pouvait plus vouloir, celle dont l’image s’interposa pour des comparaisons fâcheuses toutes les fois qu’il fut sur le point d’aimer d’autres femmes, celle qui l’empêcha d’aimer, mais qu’il n’aima point de cet amour où le désir commande. Il lui donna son cœur et lui voua un culte, mais en poète qui ne s’attache à une réalité que comme à un symbole de ses aspirations. Elle fut certainement sa Muse, et c’est le rôle le plus incontestable qu’elle joua dans sa vie : « Je mets ces jours-ci au net, écrit-il, le