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Celui-ci le prit pour un mandarin, mais, ne le reconnaissant pas, il lui demanda qui il était. « Mes fonctions, répondit l’autre, sont celles de giao quan (littéralement : fonctionnaire enseignant). Quinh le reçut avec honneur, l’invitant à boire du thé et du vin ; ensuite le visiteur partit. Le lendemain, son tour de garde étant venu, il veillait à la porte du palais lorsque Quinh passa pour se rendre à la cour. Il le reconnut et lui demanda comment il avait eu l’audace de prendre le titre de giao quan. L’autre lui montra sa lance (giao) et lui demanda : « Cette lance n’est-elle pas à l’État, est-ce une lance de particulier ? » Quinh vit qu’il avait été joué et en fut très mortifié, mais qu’y faire ?

Un jour le roi allait se promener en grande pompe[1], précédé d’étendards, de sabres et de lances. Quinh qui se trouva sur le passage du cortège voulut faire une farce, il se mit tout nu et se jeta la tête la première dans des broussailles qui bordaient la route. Les officiers de l’escorte pensant que ce fut le premier venu le firent empoigner pour le décapiter. Le roi voyant qui c’était lui demanda : « Pourquoi vous êtes-vous jeté tout nu dans ces broussailles ? » Quinh répondit : « Je voulais aller prendre du poisson (à la main), mais rencontrant Votre divine Majesté, j’ai eu peur et j’ai voulu me cacher. Comme ces broussailles sont très denses, j’y ai d’abord mis la tête, et, comme dit le proverbe : Qui cache la tête montre la queue. Là-dessus il prit ses jambes à son cou et s’enfuit.

Un autre jour, le roi voulut mettre à l’épreuve la perspicacité de Quinh ; il fit raboter un grand arbre, de manière que les deux extrémités fussent d’égale grosseur et le fit peindre en rouge.

  1. Une histoire analogue, plus inconvenante encore que le récit annamite, légèrement gazé ici, se trouve dans le cambodgien où elle s’explique tout naturellement par le fait que Thmenh chéy avait reçu défense de montrer son visage au roi.