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ton mari, sors de ma manche. » La hoành hoach entra dans la manche de l’habit du fils du roi ; celui-ci prit l’oiseau et le nourrit ; mais un jour qu’il était absent, Tàm s’en empara, le tua et le mangea. Quand le fils du roi revint, il demanda où était l’oiseau. Tâm lui répondit : « Je suis enceinte, j’ai eu une envie et j’ai mangé l’oiseau. » Le fils du roi lui demanda : « Puisque tu as mangé l’oiseau, où as-tu jeté ses plumes ? » Elle lui répondit qu’elle les avait jetées derrière la palissade. Le fils du roi alla en cet endroit et vit qu’il avait poussé une pousse de bambou fraîche et forte.

Un jour, pendant que le fils du roi était à la chasse, Tam coupa la pousse de bambou, la fit cuire et la mangea. Elle jeta l’écorce et de cette écorce naquit un thi[1]  ; le thi porta un beau fruit. Tàm voulait le manger, mais elle ne put le cueillir.

Une vieille mendiante avait l’habitude de venir s’asseoir sous ce thi. Voyant ce beau fruit, elle en eut envie et dit : « Ô thi ! puisse-t-il se faire que ce thi tombe dans la besace de la vieille ! » Le fruit tomba dans la besace de la vieille ; elle le rapporta chez elle et le mit dans un pot avec du riz. Pendant que la vieille était dehors à mendier, Cam sortait du fruit, faisait cuire du riz et nettoyait la maison. La vieille étonnée de ce prodige se cacha

  1. Diospyros chenaster, diospyros decandra (d’après Taberd). C’est un fruit jaune, d’une odeur pénétrante, qui a de l’analogie avec celle du coing. L’on en voit sur les marchés deux et même trois variétés ; deux d’entre elles, qui ont la forme aplatie de la pomme et ne diffèrent que par leur grandeur, n’ont pas de pépins, la chair est compacte. L’autre variété plus grosse, globuleuse, a une espèce de pulpe au milieu de laquelle se trouvent de gros noyaux dont la chair blanche et nacrée est très dure. Le germe apparaît à l’une des extrémités de la graine. Quand on l’en a dégagé avec soin, il ressemble, disent les Annamites, à une silhouette de femme. On pourrait mieux le comparer à un insecte (une cicindèle par exemple, moins les antennes) vu de dos. Lorsque des enfants passent sous un thi, ils tendent un pan de leur robe, sifflent pour appeler le vent et crient : « Trai thi ! rot bi ba già ! » (Thi, tombe dans la besace de la vieille !)