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Un jour on lui fit dire de venir à la maison de son père qui était malade. Le père était couché et sa femme avait mis sur le lit des oublies[1] qu’il brisait en se retournant. La marâtre dit à Câm que ce bruit était produit par le froissement des os de son père, qu’il était accablé par la maladie et avait fantaisie tantôt d’une chose, tantôt d’une autre ; pour le moment, il voulait de l’arec frais et elle ordonna à Câm d’aller en cueillir sur l’arbre. Câm se dépouilla de ses vêtements de princesse et grimpa sur un aréquier. Mais Tàm coupa l’aréquier[2] sur lequel elle était montée, de sorte qu’elle tomba et se tua,

Tam revêtit les habits de Câm et alla se présenter à sa place au fils du roi, mais celui-ci ne voulait pas d’elle et regrettait toujours sa première femme[3].

Tam avait lavé les habits de son mari et les mettait sécher, Câm, transformée en hoành hoach[4], se mit à crier : « Hoành hoach ! lave proprement ces habits, fais-les sécher sur une perche, ne les fais pas sécher sur une palissade pour les déchirer, ces habits de mon mari. » Le fils du roi dit au hoành hoach : « Si je suis ton mari, entre dans ma manche ; si je ne suis pas

  1. Banh tran. Ce sont ces gâteaux minces et ronds en forme de crêpes que l’on voit partout sur les marchés. Ils sont secs et cassants.
  2. D’après une autre version, à mesure que l’on coupait un aréquier, Câm sautait sur un autre, les arbres étant assez rapprochés dans les plantations, de sorte qu’il fallut couper tous les aréquiers du jardin pour venir à bout de la tuer. C’est là sans doute un enjolivement ou une réponse à quelque objection.
  3. Il y a ici des variations assez considérables. D’après les uns, ces deux jeunes filles sont sœurs de père, et il est admis implicitement qu’elles se ressemblent assez pour que Tàm puisse tenter de se substituer à sa sœur. Dans notre texte, au contraire, elles sont étrangères l’une à l’autre, mais on ne voit pas pourquoi le fils du roi accueille Tàm tout en restant fidèle au souvenir de Câm ; cela se comprend d’autant moins que les mariages avec une belle-sœur sont très mal vus et même interdits. L’autre version nous paraît donc plus plausible.
  4. Ou quành quach ; c’est le nom d’un oiseau (Ixos analis), tiré de son cri.