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XV

HISTOIRE DU CAPITAINE TAO.



Au village de Tuân le, huyên de Hurong son, dans la province de Nghê an, vivait un homme que l’on appelait le capitaine[1] Tao. Il avait, depuis le moment de sa naissance, une tache rouge dans l’oreille. Il était également versé dans les lettres et dans les armes, mais il était d’un caractère dissolu. Un jour qu’il avait tout perdu au jeu, il fut forcé de voler pour vivre, fut pris et mis en prison. Il brisa ses fers, escalada les murs et s’enfuit. Il n’osa pas revenir à sa maison et leva une bande de rebelles[2] ; comme on le savait fort et habile, on le suivit en foule et il se retira avec ses partisans sur la montagne Truông mây où il organisa ses forces.

À cette époque, le roi Minh mang envoya Le duyêt[3] gouverner le Nghê an. Tous les chefs de bande firent leur soumission à l’exception de Tao qui, se fiant en sa force, persista dans la rébellion. Le gouverneur fit alors une proclamation par laquelle il promettait cent taëls d’or et un grade à celui qui trouverait un moyen de s’emparer de Tao, l’homme à la tache dans l’oreille. Tao, à cette nouvelle, se déguisa en un envoyé impérial, et précédé d’un pavillon rouge portant les mots :

  1. Lanh binh, commandant des milices.
  2. Le mot Giac (ch. tac) désigne les bandits, et par extension les rebelles ; tout rebelle contre l’autorité sacrée de l’Empereur étant par cela même un bandit. Certains bandits n’en sont pas moins populaires, comme on le verra dans ces histoires, mais il faut se rappeler que ces récits sont d’origine tonquinoise et que le Tonquin est, depuis le commencement du siècle, en lutte contre les souverains originaires du sud. C’est là une situation éminemment favorable au développement de la conception héroïque du banditisme.
  3. C’est le célèbre eunuque, compagnon d’armes de Gia long ; il mourut gouverneur de Saigon ; son tombeau se trouve à l’inspection de Binh hoa.