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L’aîné des Mac, Mac dàng dung, prit le titre de roi. Jaloux des talents de son frère Ninh, il eut peur qu’il ne lui disputât le pouvoir et conçut le dessein de le faire périr ; Ninh, au contraire, se fiait aux sentiments fraternels et ne soupçonnait rien.

Après avoir vaincu le chûa Nguyén bién, Ninh s’en retourna et arriva au bac de Thành Rum, à un point où le fleuve était très large. Il se mit à réfléchir et dit au passeur : « Voudrais-tu devenir mandarin ? — Tout le monde veut d’un bon morceau, répondit l’homme, ou d’un bel habit ; mais je suis un pauvre diable et n’ai à espérer rien de pareil. » À ces mots, la figure de Ninh s’empourpra[1] et il ordonna à ses hommes de couper la tête du passeur. La femme et les enfants de celui-ci épouvantés s’enfuirent. Ninh ordonna alors de prendre le cadavre et d’aller l’ensevelir, je ne sais où, dans la montagne Hong lanh ; il fit ensuite dresser près du bac une stèle où il grava une inscription disant : « Quand la montagne de Hong cessera de produire des arbres, quand le fleuve Rum cessera de rouler ses eaux, cette famille cessera de fournir des mandarins. »

Il faut savoir que ce passeur fut l’ancêtre de Nguy khac dâng,[2] et que, depuis sa mort, la famille Nguy n’a cessé d’avoir des succès aux examens et de s’élever aux premiers emplois, grâce à la situation du tombeau que Ninh donna à leur ancêtre.

Ninh avait pacifié le Nghê an. Mac dàng dung eut peur qu’il ne lui disputât la couronne et lui écrivit pour lui demander pour quelle raison, en ayant fini avec la rébellion, il ne revenait pas à la cour ; et pourquoi ayant vaincu le chùa Hién il ne l’avait pas emmené prisonnier et l’avait épargné. Ninh se mit en colère

  1. Ce n’est pas un signe de colère mais d’inspiration supra humaine.
  2. Un des membres de l’ambassade annamite qui alla en France sous la conduite de Nguyèn tri phuong.