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pitié d’elle la garda en prison. Au bout de deux ans il y eut une amnistie, Mâu fut relâchée et revint dans sa famille. Plusieurs personnes la demandèrent en mariage, mais elle refusa absolument et demanda à ses parents la permission d’entrer en religion et de quitter toute pensée du monde.

Dans la pagode où elle se retira il y avait une foule de jeunes novices qui, la voyant jolie, ne faisaient que la pourchasser. Mâu pensa qu’avec tous ces diables de pagode[1] elle aurait la plus grande peine à mener la vie pénitente, elle alla donc demander au supérieur la permission d’aller dans un autre monastère, mais comme elle y aurait été exposée aux mêmes inconvénients, elle prit des vêtements d’homme, et se rendit à la pagode de Tây son où elle se livra à la pénitence.

À la vue de ce joli petit bonze les filles de l’endroit en devinrent amoureuses, et l’une d’entre elles, au moment d’une fête nocturne, pénétra dans la pagode pendant la nuit. Elle alla à la cellule de Mâu qui ne s’y trouvait pas, mais un autre novice y était couché. Celui-ci profita de l’obscurité, et quelque temps après on découvrit que la jeune fille était enceinte.

Le village l’interrogea et la jeune fille confessa qu’elle avait eu des relations avec le petit bonze. Mâu interrogée à son tour niait qu’elle fût coupable, mais elle n’osait se justifier en faisant connaître son sexe. Aussi l’enfant lui fut-il attribué et le supérieur irrité la relégua près de la grande porte avec mission de balayer les feuilles sèches tombées du figuier sacré[2]. Mâu subit son sort sans oser se plaindre. Lorsque l’enfant, qui fut un garçon, fut né, on le remit à Mâu qui l’éleva. Chaque jour elle

  1. Qui chùa. Les pagodes passent pour être hantées par des démons très malins. Ici les élèves des bonzes leur sont comparés.
  2. C’est l’occupation des élèves de bonzes : « Con vua thi lai làm cua, con thây chùa thi quét là da, les fils de roi sont rois, les fils de bonze balaient les feuilles de da », dicton du pays qui a pour but de prouver que chacun suit la condition de ses parents.