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soixante-quatre que[1] ; durant les cinq veilles de la nuit, les six heures du jour, il n’arrêtait pas un instant. La troisième nuit le revenant apparut. Il éteignit la lampe, l’étudiant la ralluma sans rien dire et continua à travailler. Le revenant fit apparaître une main qui, du toit, descendait sur la lampe ; l’étudiant ne s’épouvanta pas. Le revenant se transforma en un serpent qui vint ramper devant le lit de camp, l’autre sembla ne pas même l’apercevoir.

La nuit suivante le mauvais esprit apparut sous la forme d’une jeune fille qui vint agacer l’étudiant, mais celui-ci ne lui adressa pas la parole. Le revenant alors porta la main sur le livre que lisait l’étudiant mais sans oser le lui arracher, L’étudiant saisit cette main et demanda au revenant : « De quelle espèce de mauvais esprits es-tu pour oser profaner le livre du Saint homme ? Si l’on t’a fait quelque tort, si tu as quelque chose à réclamer, dis ce que tu veux et je le ferai connaître au propriétaire afin qu’il s’occupe de te soulager. Il n’est pas licite de venir tourmenter les hommes et détruire leurs biens. Celui qui le fait commet contre le Ciel et la Terre un péché irrémissible. »

Le revenant se mit à gémir et dit : « J’étais un coq ; je suis entré dans un massif de bambous pour chercher de la pâture et j’y suis pris depuis tantôt plus de vingt ans, subissant la chaleur et la pluie, la neige et la rosée, voyant se succéder les révolutions du soleil et de la lune. Au bout d’un long espace de temps je me suis transformé et je suis venu ici pour demander à mon maître de me délivrer ; mais, voyant qu’il n’avait pas pitié de son serviteur, j’ai été irrité et j’ai fait tout ce dommage pour

    en l’existence de mauvais esprits, attribuent une vertu souveraine aux livres canoniques et aux étudiants, tandis que les exorcismes des thây phâp et des bonzes restent sans effet.

  1. Ce sont les symboles magiques servant à la divination. (Voir Mayers, II, 241).