CIV
UN VIEUX COQ DEVIENT UN ESPRIT
MALFAISANT.
Il y avait un homme riche qui avait des centaines de volailles ; si les fouines, les rats, les corbeaux, les aigles lui en enlevaient quelques-unes il ne s’en apercevait même pas. Son jardin était large et entouré de vingt ou trente rangs de bambous. Cette clôture avait plus de deux truong de profondeur. Un coq s’y engagea en cherchant sa pâture ; une fois dans la haie il se vit entouré de bambous de toutes parts et ne put sortir. Il resta là plus de vingt ans exposé à toutes les intempéries, voyant sans fin le soleil et la lune renouveler leur cours[1]. Il acquit enfin le pouvoir de se transformer, et, prenant la figure tantôt d’un garçon, tantôt d’une fille, il entrait tous les jours dans la maison et y causait les plus grands désordres.
Les jeunes gens maigrissaient, les filles devenaient folles, le maître voyait sa fortune disparaître entre ses mains et rien ne pouvait remédier à cette situation ; il fallut abandonner la maison. On alla chercher le thây phâp pour exorciser la maison ; l’esprit lui tomba dessus et il dut s’enfuir, laissant là sa cloche et son mô ; un bonze vint chanter le kim cang[2], mais l’esprit lui fit