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VI

HISTOIRE DE NGÔ BÂT NGAO.


Ngô bât Ngao était un mandarin d’origine chinoise qui habitait le huyèn de Bînh chânh, dans hi province de Quàng binh. De son vivant, il administrait ce huyèn. Il se révolta contre le roi[1]. Après sa mort, tous les habitants de ce pays n’en restèrent pas moins sous sa dépendance. Si l’on voulait bâtir une maison, il fallait lui en demander la permission par le ministère d’un médium[2] ; il fixait le prix de location annuelle et vous mesurait le terrain. Si l’on voulait acheter, il vendait aussi ; on devait tuer un cochon, acheter du vin et le convier au festin ; il donnait alors un titre qu’il signait. En agissant de cette façon, on pouvait vivre tranquille ; mais si quelque famille le négligeait, il la frappait de maladie, faisait périr ses porcs et ses buffles. Quelquefois il apparaissait dans une famille riche et disait : « J’ai beaucoup perdu au jeu, il vous faut m’acheter ce terrain et chercher de l’argent pour le payer[3] ». Si on ne lui obéissait pas, il faisait d’abord périr le bétail, ensuite, les gens de la maison eux-mêmes dépérissaient. Les habitants de ce huyèn lui sacrifiaient deux fois par an deux ou trois porcs.

  1. Le roi Lê, c’est-à-dire un roi appartenant à la dynastie Lê, que le conteur n’a pas jugé à propos de désigner plus clairement, mais la suite nous apprend que notre héros était contemporain du fondateur de la dynastie (1428). Il vécut jusque sous le règne de son troisième successeur, contre lequel il se révolta, ce qui mit sans doute fin à sa carrière. Voir VIII.
  2. Voir, pour le rôle du médium et pour cette possession d’outre-tombe de la terre, MS. Chù ngu. Excursions et Reconnaissances, III, 139.
  3. Cet argent n’est autre que la monnaie de papier que l’on brûle dans les sacrifices. Les achats ne sont donc pas très ruineux par eux-mêmes, mais par les festins, salaires de sorciers, etc.