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LXXXIV

LA FEMME MÉTAMORPHOSÉE
EN MOUSTIQUE[1].



Deux époux s’étaient juré que lorsque l’un des deux viendrait à mourir, l’autre conserverait son corps jusqu’à ce qu’il ressuscitât, et qu’il ne se remarierait pas. La femme mourut et le mari conserva le corps sans l’enterrer. Au bout de sept mois, les autorités du village lui ordonnèrent d’enterrer sa femme, de peur qu’en la laissant ainsi elle ne devint un esprit malfaisant qui hanterait le village[2]. Le mari s’y refusa et dit : « Ma femme

  1. (*) La rédaction que je possède de cette métamorphose se termine par quelques lignes inintelligibles. Le moustique demande au Bouddha une vrille pour percer la peau des hommes. Le Bouddha dit : « Quand il percera la peau des hommes, ceiux-ci le sentiront, ils ont cinq vrilles dont ils le perceront », et il refusa de donner une vrille au moustique. Ces cinq vrilles sont les cinq doigts de la main dont l’homme écrase le moustique.
  2. Le code annamite, reproduisant en cela le code chinois, interdit de conserver les morts dans les maisons au delà de trois mois. « Pour les fonctionnaires comme pour les personnes du peuple l’inhumation doit avoir lieu dans les trois mois Ceux qui seront troublés par les signes du vent et de l’eau, ou bien qui invoqueront des prétextes pour suspendre le transport de la bière à la fosse et qui, pendant des années exposeront le cercueil dans la maison sans l’inhumer, seront punis de quatre vingt coups de tru’ong. » (Code annamite, trad. Philastre, tome I, p. 672 ; art. 162 de la traduction.) C’est le texte même du code chinois de la dyastie actuelle. Lois rituelles, inhumation.)
    La coutume de garder les corps plus ou moins longtemps est commune à nombre de races civilisées ou sauvages de Indo-Chine et même de l’Archipel indien. On verra ailleurs (n° CV) des démons qui ont pour origine des cadavres ainsi gardés trop longtemps dans les maisons.