Page:Landes - Contes et légendes annamites, 1886.djvu/22

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 8 —

Quand les soldats revinrent de la forêt, ils virent que leur chef était mort ; ils relevèrent le cadavre et envoyèrent deux des leurs prévenir les autorités provinciales. Celles-ci vinrent faire l’enquête et, les faits une fois constatés, ordonnèrent de rapporter le corps pour lui faire des funérailles. Mais, alors, tous les tigres et les éléphants de la forêt se rassemblèrent, les tigres environnant le cortège sur l’arrière et les côtés, les éléphants barrant le chemin en avant. L’on envoya chercher d’autres troupes qui réussirent à disperser les bêtes sauvages et l’on ramena le corps de Ly khac cân, qui fut enterré près du chef-lieu de la province. Trois nuits après, les tigres de ces forêts se rassemblèrent en foule, déterrèrent le cercueil et le portèrent au défilé de la montagne où ils l’enterrèrent. Quand les personnes de la famille vinrent pour visiter le tombeau, elles le trouvèrent vide et apprirent des voisins ce qui s’était passé. On courut au défilé, où l’on retrouva le cercueil. Les autorités provinciales, à qui rapport fut fait de l’événement, ordonnèrent de laisser les choses comme elles étaient et pressentirent que cet enterrement par les tigres présageait un avenir brillant à la famille[1]. Dès lors, Ly khâc Càn devint un esprit puissant ; ses descendants furent élevés aux plus hautes dignités ; tous ceux qui vont couper du bois dans la

    moustaches du tigre comme susceptibles de causer du mal ; et les chasseurs savent que, s’ils n’y prennent garde, les peaux des tigres qu’ils auront tués seront gâtées par l’enlèvement ou la destruction par le feu des moustaches ». C’est exactement ce qui se passe en Cochinchine. Il est regrettable que M. Ball ne soit pas entré dans plus de détails sur la nature des accidents qui peuvent résulter de la conservation de ces moustaches.
    Voir aussi sur le tigre MDM. note 43. On remarquera dans ce dernier article le passage du Au hoc relatif au nom de Ly donné au tigre. N’y a-t-il pas ici, comme en beaucoup d’autres cas, adaptation d’une légende chinoise ? Dans un autre conte un certain Ly vi est aussi transformé en tigre.

  1. Noter cette influence de la situation du tombeau de l’ancêtre sur la prospérité des descendants. On verra plus loin sur ce sujet deux curieux épisodes de légendes semi-historiques. (Cf. NDM. 382).