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LXXX

DE CHAT REVENIR À CHAT[1].



Des gens riches avaient une fille à qui ils avaient donné le nom de Mèo[2]. Elle était très jolie et fort aimée de ses parents qui, lorsqu’elle fut d’âge, pensèrent à la marier. Seulement ils étaient fâchés de lui avoir donné ce vilain nom et résolurent de le changer. Ils tuèrent donc un porc et invitèrent les notables à un festin. Quand ceux-ci eurent bien mangé et bien bu le père leur dit : « Dans quelques jours je vais marier ma fille, mais elle s’appelle Mèo, un vilain nom. J’ai peur qu’on ne se moque de moi, c’est pourquoi j’ai recours à vous pour lui trouver un joli nom qui soit digne de notre position dans le village. »

Le huong chù, premier notable du village, dit : « Vous avez raison, donnons lui un joli nom. Ce nom de Mèo est vraiment disgracieux. Appelons-la Thièn. Thièn c’est le ciel. L’on ne peut

  1. Nous avons ici parfaitement adaptée aux mœurs annamites la vieille donnée indienne qui a été mise en œuvre par La Fontaine dans La Souris métamorphosée en fille. (Fables, livre IX, fable VII.)
  2. Chat. L’on donne aux enfants des noms tirés de l’usage ordinaire et souvent disgracieux afin d’éviter la jalousie des esprits mauvais. Il arrive même que, au moins jusqu’à la douzième année, époque où ils ont vécu un cycle révolu, on change leurs noms s’ils sont malades, vicieux, etc., cela pour dérouter les esprits que l’on suppose s’être emparés d’eux. Après ce moment il n’est plus d’usage de changer le nom, du moins dans les classes ordinaires de la population. Cela peut cependant se faire, comme on le voit dans ce conte.