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V

HISTOIRE DE LY KHÂC CÂN.



Sur les limites des provinces de Hà tinh et de Nghè an s’élève une grande montagne nommé Dai ngan, à laquelle on trouve accès par deux défilés appelés l’un Truùng mày, l’autre Truông bât[1]. En arrière, elle touche au pays sauvage des dix mille éléphants ; en avant, aux pays habités. L’on va couper du bois dans ces montagnes ; les bûcherons se réunissent par bandes d’une cinquantaine et, arrivés au défilé, font un sacrifice.

Du temps de la dynastie Le, un mandarin nommé Ly khac càn y fut envoyé avec une troupe de soldats pour couper du bois. Un jour, pendant que les ouvriers étaient au travail, il se coucha dans un hamac suspendu à un arbre ; un de ses hommes lui dit : « Il y a ici des tigres. » — « Laisse-moi me coucher où il me plaît, lui répondit-il[2], et va à tes affaires. » Le soldat une fois parti, survint un tigre qui se jeta sur le mandarin et, après une courte lutte, le tua et le mutila sans rien dévorer cependant. Le tigre ensuite s’accroupit sur le corps et attendit le retour des soldats.

  1. Ces truông, sentiers de montagnes, seraient ainsi nommés : l’un, à cause de son altitude, Chemin des nuages ; l’autre, parce que l’on y trouve du riz qui serait mûr au huitième mois, Bât (huit, en chinois).
  2. L’on me permettra de ne pas traduire littéralement les paroles malsonnantes que Ly khâc can adressa au tigre ; il suffira de dire qu’il fut puni par où il avait péché et que le tigre ne toucha à aucune autre partie de son corps que celle qu’il lui avait destinée. On peut voir, à propos de cette histoire, l’article Tigre dans MS (Excursions et Reconnaissances, III, p. 354) ; on remarquera que l’on enterre sur place les victimes du tigre. Dans une communication de M. V. Ball à l’Academy, numéro du 21 avril 1883, je trouve le passage suivant : " Beaucoup d’indigènes (Hindoustan) regardent les