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LXXVIII

LE SINGE, LE TIGRE ET LA TORTUE.



Le singe, le tigre et la tortue avaient fait amitié ensemble. Le tigre un jour dit au singe et à la tortue : « Allons chercher à manger. Mais vous êtes lents, vous ne pouvez courir aussi vite que moi, je vais vous attacher à ma queue et je vous traînerai. » Le singe et la tortue y consentirent ; le tigre les attacha à sa queue et se mit en marche. Arrivés à une maison, ils se tinrent au guet pour s’emparer de l’homme qui l’habitait. Comme ils étaient au guet, ils entendirent la femme de cet homme lui demander : « Quelle est la chose dont tu as le plus peur ? » — « Je n’ai peur que de l’ông giot[1], répondit l’homme. » — ce Comment ! reprit la femme, tu n’as pas peur du tigre ? » — Non, repartit l’homme, je n’ai peur que de l’ông giot. »

Le tigre, qui écoutait au dehors, fut tout surpris de cette conversation, ne sachant ce qu’était l’ông giot. Sur ces entrefaites, un voleur vêtu d’un habit bourru[2] vint à son tour épier la maison. Il vit le tigre et, plein d’effroi, grimpa sur un carambolier. Là, il se mit à trembler de toutes ses forces, si fort que les caramboles tombaient de l’arbre. Le tigre le prit pour l’ông giot et les caramboles pour ses crottes. Il en goûta ainsi que le

  1. Ces mots désignent ici les gouttières par où l’eau de pluie pénètre à travers les toits de chaume ou de paillotte.
  2. Ao to goc xom xàm, habits faits de fils de rebut et à longs poils.