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pleurant : « Vous ne comprenez pas. Laissez-moi vous dire. Mon pauvre neveu avait pour moi une extrême affection, il ne voulait jamais me quitter ; quand il se louait chez les autres, il me visitait le matin et le soir, il me fallait le gronder pour le faire partir. Maintenant que le voilà mort si malheureusement, il ne veut pas me quitter. Comme vous ne le connaissiez pas, vous ne lui avez sans doute pas fait une fosse très profonde et il est revenu vers moi. »

Le bonze fut très étonné de cette aventure ; il reconnut cependant son cadavre à sa tête rase. Il dit à la vieille : « C’est bon ! je vais l’emporter très loin et lui creuser un grand trou, nous verrons bien s’il reviendra de nouveau. » Il chargea le cadavre sur ses épaules et alla l’enterrer. Quand il revint il retrouva un cadavre à tête rase étendu sur le sol, et la vieille lui dit : « Je vous avais cependant bien averti des sentiments de mon neveu. Vous ne l’avez pas enterré assez profondément et le voilà revenu. «

Le bonze lui répondit : « Ne vous fâchez pas, faites-moi boire un coup, et cette fois-ci je vous réponds que je l’enterrerai de façon à ce qu’il ne revienne pas. » Il alla l’enterrer, et quand il revint la vieille lui montra de nouveau le cadavre en lui disant des injures. Le bonze se mit en colère. « Toute ma vie, dit-il, j’ai enterré les gens sans en voir aucun revenir comme celui-ci. Je vais l’enterrer encore une fois et faire tout mon possible pour qu’il ne revienne pas. » Il partit donc courbé sous son fardeau. Il faisait chaud, la terre était dure, il était à moitié gris, aussi, quand il eut enterré son quatrième cadavre, la nuit était-elle tombée. En revenant à l’auberge pour réclamer à la vieille les trois gourdes de vin qu’elle lui avait promises, il vit un bonze accroupi sur un pont. « Voilà tout un jour que je t’enterre, s’écria-t-il, et tu reviens te faire enterrer encore. » L’autre voulut protester, mais il lui dit : « Tu es déjà revenu trois ou