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son image de Quan Dê, la suspendit au mur et lui fit ses offrandes de vin et de baguettes odoriférantes. Au milieu de la nuit le génie porc apparut et se préparait à la forcer, mais, comme il approchait du lieu où elle reposait, le porteur de lance[1] sauta sur lui et le coupa en trois morceaux. Son sang inonda toute la place. Quan Dê, ensuite, apparut à la jeune fille et lui dit : « Je l’aime à cause du culte que tu m’as rendu, c’est pourquoi je t’ai sauvée de la mort ». Ayant dit ces mots, il disparut.

Le lendemain matin, les gens du village, pensant que la jeune fille était morte, apportèrent un cercueil pour l’enterrer. Quel ne fut pas leur étonnement de voir le sang répandu et de la retrouver vivante. Elle leur conta ce qui était arrivé, et ils reconnurent que c’était à Quan Dê qu’elle devait son salut. Ils détruisirent le temple du génie porc et à sa place en élevèrent un à Quan Dé.

    grâce à quelque coïncidence fatale, dans le moment de sa mort par exemple, a pu devenir un génie malfaisant et gardant tous les instincts de son existence antérieure. Les Annamites pensent que les vieux sangliers deviennent, après leur mort, des esprits malfaisants. Il en serait de même du porc domestique qui, devenant vieux, voit sa mâchoire se garnir de longues défenses et se transforme également en un mauvais génie. C’est pour cette raison que l’on se garde bien de les laisser vieillir. De même l’on ne conserve pas une truie qui a déjà mis bas deux ou trois portées, elle finirait par donner le jour à des démons. J’ai vu un de ces produits qui avait une tête de singe et qui fut considéré comme de très mauvais augure par tous les voisins de son propriétaire. Les jeunes filles doivent s’abstenir d’élever des truies destinées à la reproduction et non châtrées ; elles auraient plus tard des couches aussi fécondes que celles des truies, et les naissances de trois ou quatre jumeaux sont considérées comme très fâcheuses.

  1. Dans les images qui représentent Quan dé figure toujours un sauvage armé d’une lance ; c’est son fidèle serviteur Châu thirong, chef barbare, qui, après avoir d’abord suivi le parti des rebelles, vint faire sa soumission à Quan công. Il le suivit dans toute sa carrière et se tua après que son maître eut péri par les ordres de Tôn quyén.