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LXXIV

LES POUVOIRS MAGIQUES
DE LA BÀ CHÀN[1].



La bà Chân avait une fille. Un jour, pendant que la mère était allée chercher quelque proie, la fille resta à la maison et devint amoureuse d’un jeune homme. Quand sa mère revint elle le cacha, mais la bà Chân le trouva ; sa fille alors lui avoua son amour et la mère consentit à épargner le jeune homme et à en faire son gendre.

Un jour qu’elle était allée à la chasse, la femme montra à son mari les instruments magiques de sa mère. Elle avait un bâton qui, par un bout, donnait la mort et par l’autre la vie ; elle pouvait noyer la terre sous les eaux, ou dessécher la mer.

Le mari dit à sa femme : « Laisse-moi, pour voir, te donner un coup de bâton du côté qui tue ; je te ressusciterai ensuite avec l’autre. La femme le crut et le laissa faire. Une fois qu’elle fut morte, le mari s’empara du trésor magique de la bà Ghan et s’enfuit.

De retour dans sa demeure la bà Chân trouva sa fille morte. Elle chercha son bâton magique pour lui rendre la vie, mais il avait disparu. Elle comprit alors que c’était son gendre qui

  1. (*) L’on appelle Bà Chàn de mauvais esprits femelles dont il est difficile de se faire une idée exacte. Elles habitent les forêts, soit sur les arbres, soit dans les cavernes, vivent de la chair de bêtes fauves, ou de chair humaine. Elles sont gigantesques, d’un aspect terrible, le corps couvert de poils, la chevelure fauve, le visage couvert de rayures, la bouche munie de défenses comme celles d’un sanglier. On leur compare les femmes très méchantes : dà quà Chàn tinh gâu ngwa ; plus méchantes que la bà Chàn et l’ours-cheval. Du reste on ne prononce ce nom qu’avec appréhension ; une espèce de limace porte le nom de oc bà Chàn.