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LXXIII

LES CHIENS DÉMONS.



Deux époux avaient une fille qu’ils aimaient tendrement. Ils résolurent de lui bâtir un pavillon, et pour cela, coupèrent du bois dans la forêt.

Or, il faut savoir que dans la forêt trois chiens s’était battus à mort. Le premier était blanc, le second jaune, le troisième noir. Après leur mort ils furent transformés en un arbre qui portait des fleurs de trois couleurs : bleues, blanches et rouges.

Quand le père alla dans la forêt pour couper du bois il vit cet arbre, et dit à sa femme : « Voilà un arbre très joli, quand nous aurons bâti le pavillon, nous l’y transplanterons pour notre fille. Il le transplanta en effet, mais l’arbre creva et, comme l’on avait oublié de faire le verrou de la porte, on y employa le bois de cet arbre.

Dans ce verrou de la porte résidait un démon ; il apparut à la jeune fille et voulut la violenter ; elle résista, mais il lui enleva son âme[1] et elle fut comme morte. Quand elle revint à la vie elle fut bien forcée de consentir à tout. Le père entendit le bruit, il alla épier ce qui se faisait dans la chambre de sa fille ; le démon lui prit son âme, et le père ne revint à la vie qu’après son départ. À partir de ce moment il n’osa plus entrer dans cette chambre.

  1. Hop hon, littéralement : avaler, happer l’âme. Ouand un mauvais esprit, et spécialement une cou tinh, rencontre un vivant elle lui adresse la parole, si celui-ci répond, le mauvais esprit aspire son souffle et son âme. L’individu alors devient fou, le mauvais esprit prenant possession de son corps. Les thày phap entreprennent la guérison de ces fous qu’ils traitent par toute sorte d’exorcismes.