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IV

HISTOIRE DE QUAN DÉ.


Dans la province de Ha nôi, au phù de Kiên xirong, vivait une jeune fille qui avait perdu ses parents et qui exerçait, pour vivre, le métier de couturière. Un jour, en allant au marché, elle vit vendre des images de Quan Dê[1]. Comme elle était toute jeune, elle ne savait pas encore qui il était, mais elle n’en conçut pas moins pour le dieu une grande vénération, et acheta une de ses images qu’elle rapporta chez elle. Chaque jour, elle lui faisait des offrandes de riz, et, si elle avait à son repas quelque chose de bon, elle lui en offrait aussi.

Un jour, elle alla au village de Nhon ly, du huyèn de Thanh trà, dans la province de Hài duong. Il faut savoir que, dans ce village, on rendait un culte à un génie porc[2]. Le dernier jour de chaque année le village devait lui amener une jeune fille que l’on enfermait dans le temple (dinh). Au milieu de la nuit le génie lui apparaissait et elle en mourait. Si le village eût manqué à faire ce sacrifice, il en eût été sévèrement puni.

Notre jeune couturière se trouvait justement dans ce village quand arriva le jour fatal. Les autorités communales la trompèrent et lui dirent qu’on allait lui donner du travail à faire dans le dinh. La nuit venue, ils l’y laissèrent. La jeune fille prit

  1. Quan vö était lu’un des trois célèbres amis qui s’unirent pour la défense de l’empire contre les Turbans jaunes ; fait prisonnier par Ton quyén, fondateur de la dynastie Ngô, il fut décapité. Il fut canonisé au commencement du XIIe siècle et, en 1594, élevé au rang de Dê. Depuis cette date, il est universellement honoré comme le dieu de la guerre.
  2. Il s’agit ici d’un esprit qui, après avoir été transformé en porc en punition des méfaits d’une première vie, est remonté au rang d’homme, puis,