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Arrivé au pied de la montagne il vit une caverne entr’ouvrir dans les rochers sa gueule resplendissante d’or et de pierres précieuses[1]. Il glissa la main dans l’ouverture et y prit de l’or qu’il faisait passer à sa femme, de sorte qu’il devint puissamment riche.

Il fit un sacrifice pour rendre grâces au Ciel et à la Terre, aux Saints et aux Génies, et il invita au festin son frère aîné avec sa femme ainsi que les gens du village. Le frère aîné lui demanda tout bas ce qu’il avait fait pour devenir si riche et l’autre lui raconta la vérité. Il lui dit que, n’ayant pas de buffles, il avait attelé ses chiens, et que parvenu au bas de la montagne une caverne s’était mise à rire de ce spectacle et avait ouvert la gueule où il avait vu de l’or qu’il avait emporté.

Le frère aîné demanda alors à son cadet de lui prêter les chiens et la charrue pour aller à son tour tenter l’aventure. Le cadet y consentit, et l’aîné alla bien vite labourer à la montagne avec son attelage de chiens. À cette vue, la caverne se mit à rire et ouvrit une large gueule. Notre homme se précipita pour se saisir de l’or, mais dans sa hâte il heurta l’une des parois et la gueule se referma sur son bras qu’il ne put retirer.

Il resta donc prisonnier et se mit à se lamenter. Heureusement, vers le soir, sa femme vint à sa recherche. Le mari lui dit : « C’est fini ! je te vois pour la dernière fois. Je suis puni pour l’avidité que j’ai montrée dans le partage de nos biens avec mon frère. Mais, si tu m’aimes, laisse-toi voir encore une fois à moi[2] et je m’en irai content. »

À ces paroles, la caverne se prit à rire et ouvrit la gueule. Notre homme retira son bras et s’en alla avec sa femme.



  1. Cette caverne doit être la gueule d’un dragon qui rit à la vue de l’attelage hétéroclite.
  2. Voir au n° II les exigences de Nghi à l’endroit des marchandes.