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LXVII

LE PAUVRE PÊCHEUR.



Un pauvre diable perdit sa femme et resta plongé dans la misère. Il alla mendier, et ne reçut pas de quoi manger ; il alla travailler, et ne gagna en une journée que trente sapèques. Avec ces trente sapèques il acheta des crevettes pour faire des appâts, et alla pêcher au bord de l’eau. Il pécha longtemps sans rien prendre, enfin quelque chose mordit, il leva la ligne et trouva un serpent pris à l’hameçon. Il le lâcha et amorça de nouveau, le serpent vint se faire prendre une seconde fois. « Oh ! lui dit l’homme, je suis pauvre, je n’ai eu que trente sapèques pour acheter des appâts, et tu viens me les manger ; je te fais grâce encore cette fois, mais si tu y reviens gare à toi. »

Il amorça de nouveau sa ligne, et le serpent vint s’y prendre une troisième fois. Il le porta pour le tuer près d’une chapelle dédiée à la dame qui ouvre les bouches[1]. La dame délia la langue du serpent qui dit aussitôt à l’homme : « Ne me tue pas. Je suis le fils du roi des enfers, j’ai été exilé et j’ai revêtu une peau de serpent pour vivre sur la terre. Emporte-moi chez toi, et plus tard je te récompenserai. Je voulais vivre avec toi, c’est pour cela que je me prenais toujours à ta ligne. » L’homme emporta le serpent et à partir de ce moment ses affaires prospérèrent. Il continua le métier de pêcheur.

Un jour le serpent le prévint que dans trois jours il y aurait une grande inondation, et qu’il eut à préparer un radeau pour échapper à la mort. Le radeau qui portait l’homme flotta en effet sur les eaux. Ils rencontrèrent une fourmillière qui flottait,

  1. Bà khai khan