Page:Landes - Contes et légendes annamites, 1886.djvu/165

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


LX

L’EMPEREUR CÉLESTE ET LE PAUVRE.



Il y avait un homme dont la famille était pauvre depuis trois générations, il était misérable comme l’avaient été son père et son aïeul. Cet homme se dit : « Le proverbe affirme que personne n’appartient à trois familles riches et qu’aucune famille n’est pauvre pendant trois générations[1], comment se fait-il que je fasse exception ? » Il avait entendu dire que l’Empereur céleste résidait dans une île, il résolut de s’y rendre pour lui demander l’explication de sa destinée.

Il partit donc ; mais au bout d’un peu de temps les provisions lui manquèrent, il entra dans la maison d’un homme riche pour demander à manger. L’homme riche lui demanda où il allait et, ayant appris quelle était son intention[2], et la pénurie dans laquelle il se trouvait, il lui dit : « Je vous donnerai de l’argent, mais vous interrogerez l’Empereur céleste sur une affaire qui me concerne. Je suis riche, j’ai toujours fait de bonnes œuvres, et cependant je n’ai pas eu de fils ; je n’ai qu’une fille qui est muette depuis sa naissance, je vous prie de demander quelle est la cause de ce malheur. »

Le maître de la maison donna ensuite une provision d’argent au pauvre qui se remit en chemin. Il se passa un temps assez long ; il n’était pas encore arrivé à l’île, et ses ressources étaient épuisées. Il entra chez un autre homme riche pour lui demander

  1. Khong ai gian ba ho, không ai kho ba doi.
  2. J’abrège ici le récit qui recommence à chaque péripétie par un exposé complet. C’est un trait de mœurs nationales. Quand on demande une explication à un indigène sur un détail obscur, invariablement il recommence par le commencement sans apporter souvent plus de lumière sur le point en question.