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LVIII

L’HOMME AUX TRENTE SOUS.



Autrefois, vivait un homme dont la destinée était d’avoir trente sous[1] et jamais plus.

Un jour, le roi avait pris un déguisement et parcourait le pays pour s’instruire des sentiments de ses sujets ; il entra dans la maison de cet homme pour y passer la nuit. L’homme voyant un hôte de bonne apparence le reçut avec joie, lui offrit du riz, du thé et le traita à merveille. Le roi s’étonna de se voir si bien reçu dans la maison d’un pauvre et lui demanda pourquoi il dépensait ainsi tout ce qu’il avait.

L’homme lui répondit : « Je vais vous expliquer la chose. J’ai toujours fait le métier de journalier. Quelque travail que je tasse l’on me donne toujours trente sous pour ma journée, ni moins ni plus. Si j’épargne quelque chose, le lendemain on ne me fait pas travailler ; quand j’ai tout dépensé, au contraire, j’ai toujours de l’ouvrage. J’ai donc compris que mon destin était d’avoir cette somme, et chaque jour je dépense ce que j’ai gagné pour aller en gagner autant le lendemain. »

Le roi lui répondit : « À l’inspection de vos traits, je vois que vous deviendrez très riche. Écoutez ce que je vais vous dire. Le quinze du huitième mois, qui est le jour de la mi-automne, faites des mannequins avec de l’herbe et allez les mettre en vente devant la porte méridionale du palais. Si quelqu’un veut les acheter demandez-lui-en tout ce que vous voudrez, il vous le donnera ; vous serez donc aussi riche qu’il vous plaira. »

  1. Une ligature et demie.