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n’était qu’après avoir coupé et vendu notre bois que nous avions de quoi manger, et sans cela nous aurions pu mourir de faim ; la nuit on nous faisait monter la garde[1] et, si nous y manquions, nous étions battus ; nous avons eu dans notre vie beaucoup de misère ; maintenant que nos fils ont passé leurs examens, tout le monde vient nous faire bonne figure. Certes, ce monde est plein de méchants. Il me faut dire à nos enfants que, pour ceux de ces gens qui, par le passé, se sont bien conduits avec nous, passe, mais ceux qui nous ont fait du mal, il faut qu’ils pensent à nous venger d’eux et à les rendre misérables. Qu’ils cherchent un moyen de les faire périr et je serai satisfaite. »

Or, il faut savoir que ces deux Trang nguyên étaient des génies que le Ciel avait envoyés dans cette famille parce qu’elle était vertueuse. À peine la mère eut-elle dit ces paroles, que tous ses mérites furent anéantis. Un esprit qui passait par là[2] alla au palais de l’Empereur céleste rapporter ce qu’il avait entendu. L’Empereur céleste rappela les deux génies, et les deux Trang nguyên moururent. Mais, avant leur mort, l’esprit errant apparut en rêve à leur mère et lui apprit pour quelle faute elle était punie. L’on a élevé une chapelle à ces deux Trang nguyên au tram de Thân dâu, et ils ont manifesté leur puissance par de nombreux prodiges.

  1. Les villages sont, comme on le sait, responsables de la police de leur territoire et, à cet effet, doivent installer pendant la nuit des postes de veille dans les marchés, les maisons communes, sur les arroyos, aux carrefours, etc. Le choix des hommes de veille étant laissé aux autorités communales, ces corvées tombent naturellement tout entières sur les pauvres.
  2. Du thân, génie errant qui surveille tout ce qui passe dans le monde.