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XLIV

LES RUSES DU LIÈVRE[1].



Le lièvre, le tigre et la poule avaient fait société ensemble. Un jour, le lièvre et le tigre allèrent couper du tranh[2], le lièvre dit à la poule de rester à la maison et de leur préparer à manger. La poule prit un pot d’eau bouillante, se percha sur le bord et, en chantant, y laissa tomber un œuf qui fut ainsi cuit et qu’elle fit manger au tigre et au lièvre. Le lièvre demanda à la poule comment elle avait fait et elle lui répondit qu’elle s’était perchée sur le bord du pot et y avait pondu son œuf.

Le tigre et la poule allèrent aux champs ; le tigre dit au lièvre de rester à la maison et de préparer le repas. Le lièvre fit comme avait fait la poule : il prit un pot d’eau bouillante, monta dessus et y laissa tomber une crotte qu’il servit ensuite au tigre. Le tigre se mit en colère et battit le lièvre.

Le lendemain, le tigre dit à la poule de rester à la maison et au lièvre d’aller au travail. Le lièvre se mit en colère et résolut de lui jouer un mauvais tour. Il dit au tigre de se coucher sur le dos en écartant les quatre pattes. Il formerait ainsi une espèce de voiture sur laquelle il entasserait l’herbe et qu’il traînerait à la maison[3]. Quand l’herbe fut entassée il y mit le feu, et c’est là la cause des rayures de la robe du tigre.

Le tigre le poursuivit pour se venger ; le lièvre se sauva dans une touffe de bambous. Quand le tigre l’eut découvert, il fit

  1. Ce conte est évidemment d’origine cambodgienne. (Voir Aymonier, Textes khmêrs, publiés avec une traduction sommaire. In-folio (autographié). Saigon, 1878. — Pages 31-41 de la partie française.) Mais dans le détail il a été accommodé sur quelques points au goût annamite. Il se retrouve aussi chez les Chams du Binh Thuàn.
  2. Herbe dont on couvre les maisons.
  3. C’est le même procédé que les marmottes emploieraient pour faire leurs foins et auquel elles doivent, dit-on, leurs dos pelés.