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XLI

UN BONZE SE BRÛLE VIVANT.



Dans la province de Nghê an se trouve la montagne de Hong lanh qui fait la limite des trois huyèn de Thach hà, Nghi xuàn et Thièn lôc. Cette montagne comprend quatre-vingt-dix-neuf pics, sur lesquels sont bâtis quatre-vingt-dix-neuf villages et quatre-vingt-dix-neuf pagodes ; la plus élevée est la pagode de l’Éléphant céleste. Dans cette pagode vivait un bonze nommé Nguyén dâng quang qui y faisait pénitence depuis plus de cinquante ans. Sous le règne de Minh mang il atteignit sa quatre-vingt-dix-neuvième année. Depuis plusieurs années déjà, étant sur le point d’arriver à la perfection (thành Phât), il ne mangeait plus de riz et se contentait de fruits et de thé. Il dit aux fidèles : « Me voici maintenant près du terme. Il faut construire un bûcher avec du bois, de l’encens, des résines ; que tous les fidèles y participent suivant leurs forces. » Quand sa quatre-vingt-dix-neuvième année fut accomplie les fidèles construisirent un bûcher haut de dix thu’oc, au sommet duquel ils placèrent une table. Sur cette table s’assit le bonze qui se mit à battre du mô et à psalmodier ses prières, tandis qu’au-dessous du bûcher une foule de bonzes psalmodiaient aussi, demandant que leur maître entrât dans le nirvana. Avant de mettre le feu l’on sacrifia pendant sept jours et sept nuits aux Bouddhas des dix points de l’espace[1]. Le septième jour on mit le feu au

  1. Le Bouddha fabuleux Prabhûtaratna, désireux de propager la connaissance du bouddhisme, se transforma en dix personnes appelées les Bouddhas des dix points de l’espace. (Eitel, Handbook, p. 94.) Les dix points de l’espace sont les quatre points cardinaux, les quatre points intermédiaires avec le haut et le bas