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où était sa demeure. Comme Thj phn ne comprenait pas ses paroles, il écrivit ces quatre vers :

 Ne pense pas que tu ne comprends pas ;
La rencontre que tu as faite, en cinq cents ans nulle ne fera la pareille ;
La montagne, rougie de fleurs de prunier, se réjouit ;
Le pin aux mille branches ombreuses a porté un rameau qui a le parfum de la cannelle[1].

Il disparut ensuite et ne revint pas de plus de six ans. Thi phù pensait toujours à lui et regrettait son absence quand tout à coup il reparut. Ce jour-là il faisait grand vent, le temps était froid, Thi phù et le vieillard étaient seuls dans la maison ; quand vint la nuit l’hôtesse ferma les poites et alluma du feu. Le vieillard était très fatigué, il se pelotonna près du feu, et Thi phù le couvrit avec une natte. Au matin elle le trouva mort. Tout effrayée elle ne sut que faire et courut à la pagode pour prévenir le supérieur. « Cette nuit dit-elle, par le vent et la pluie, un vieillard est arrivé je ne sais d’où et s’est reposé dans mon auberge ; mais par malheur il y est mort. » Le supérieur consulta les sorts en comptant sur ses doigts et lui répondit : « Vous ne me dites pas la vérité, ce vieillard était un génie et non un mortel. Il y a longtemps que vous le connaissiez, il venait éprouver si votre pénitence était sincère, mais vous ne l’avez pas reconnu. Si vous ne me croyez pas, retournez chez vous, il n’est plus là et au lieu où il était couché s’élève un nid de termites qui a déjà couvert la maison. »

La bonzesse retourna chez elle et trouva les choses comme le lui avait annoncé le supérieur. À quelque temps de là elle reconnut qu’elle était enceinte et au terme voulu, donna le jour à un garçon. Honteuse de se voir mère à plus de soixante ans, elle se rendit auprès du supérieur, lui demandant de recevoir

  1. Ces vers signifient que le vieux génie aura un fils.