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XXXVIII

HISTOIRE DE THI PHU.



Au village de Trâo nha, dans la province de Hà tinh, vivait une femme nommée Châu thi phu qui était âgée de soixante ans ; elle n’avait plus aucun parent. Elle se retira pour faire pénitence dans la pagode de Thiên truong, sur la montagne de Hong lành. Le supérieur, voyant la piété de cette femme lui parla ainsi : « Puisque vous voulez faire pénitence, il faut vous acquérir des mérites en faisant le bien[1]. Établissez-vous au pied de la montagne et distribuez de l’eau aux pèlerins qui viennent à la pagode. Cette aumône vous sera éminemment méritoire. » Thi phù obéit et construisit au bas de la montagne une auberge, où les passants pouvaient boire et se reposer[2].

Il y avait déjà trois ans qu’elle habitait là, lorsqu’un jour elle vit arriver un homme à barbe et à cheveux blancs, avec la beauté et l’air imposant d’un génie mais qui parlait comme un Chinois. Il s’arrêta dans l’auberge ; Thi phù ne comprenait rien à ses paroles. Depuis lors il revint chaque jour, et l’on ne savait

  1. Làm phuoc. Phuoc est le bonheur que l’on obtient dans cette existence ou dans une existence postérieure en récompense des mérites acquis par les bonnes œuvres et les œuvres pieuses. Làm phuoc est donc se faire du bonheur à soi-même.
  2. Nha quân. Ce sont des auberges où on peut loger et manger. En Basse-Cochinchine on donne le nom de quân à de petits établissements où l’on ne vend guère que du thé, des gâteaux, du vin et diverses friandises qui poussent à boire.