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XXXII

DESCENTE AUX ENFERS.



Dans la province de Nam dinh, vivaient deux riches époux, le mari se nommait Trân van hâi et la femme Huinh thi du. Ils avaient eu une fille qui avait six doigts à la main gauche. Ils lui avaient donné le nom de Xuân ; à l’âge de treize ans, elle était devenue d’une grande beauté, mais elle mourut de la petite vérole. Ses parents furent inconsolables de sa mort. Un jour ils se dirent : « L’on dit que dans la province de Quâng yen se trouve un marché[1] nommé Manh ma qui se tient une fois par an le premier jour du sixième mois. Pendant trois jours et trois nuits, à partir de cette date, les vivants et les morts[2] se rendent en ce lieu pour y faire leurs emplettes. Ils s’y rendirent donc comme s’ils avaient l’intention d’y faire du commerce. »

  1. Cho troi sanh ru, goi là cho Manh ma. Un marché fondé par le ciel, appelé le marché Manhma, dit notre texte. Ces mots, fondé par le ciel, paraissent indiquer un de ces marchés qui s’établissent tout naturellement à un carrefour ou tout autre lieu bien situé sans qu’il soit besoin d’y élever des constructions. D’autres, au contraire, se forment autour de la maison d’un individu influent, d’une commerçante émérite qui en acquiert le monopole et supporte les premiers frais. Ils sont le plus ordinairement désignés par le nom de leurs fondateurs, ce qui explique le grand nombre de noms de marché commençant par ou par ông.
  2. Les ombres remontent des enfers pour faire leurs achats avec la monnaie de papier qui est brûlée en leur honneur et qui, entre leurs mains, prend toute l’apparence de la véritable. Dans les marchés où les morts se mêlent ainsi aux vivants, les marchands, pour s’assurer que la monnaie qu’ils reçoivent est de bon aloi, la plongent dans un vase d’eau ; la monnaie infernale devant surnager et l’autre tomber au fond. Un de ces marchés des âmes se trouvait près d’un grand arbre que l’on voit encore sur la route de Cholon, un peu avant d’arriver en ville.