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XXXI

MARIAGES ENTRE LES ENFERS
ET LA TERRE.



Prés de la rivière Danli et de la maison du passeur, dont il vient d’être question, vivait une jolie fille qui n’avait plus que sa mère. Les deux femmes habitaient seules. Une nuit, vers la troisième veille, deux hommes vinrent frapper à la porte et crièrent d’ouvrir bien vite. Les femmes pensèrent que c’était quelqu’un de leur connaissance, elles allumèrent la lampe et ouvrirent. Elles virent alors un très beau jeune homme âgé d’une vingtaine d’années, suivi par un autre individu au visage terrible. Épouvantées, elles se réfugièrent dans leur chambre d’où elles n’osaient sortir. Le serviteur leur dit de n’avoir aucune crainte et de venir leur parler. La mère dit alors à sa fille d’aller se cacher dans le jardin, tandis qu’elle, vieille, dont la vie était sans valeur, se risquerait à se montrer. Elle se présenta donc aux inconnus, et le jeune homme lui dit : « Vous avez une fille d’une grande beauté et qui m’a plu ; je vous l’achèterai ce que vous voudrez ; comme je n’ai pas d’argent sur moi, je vous laisserai cette pierre précieuse qui, pendant la nuit, jette assez de clarté pour éclairer toute la maison. Vous n’aurez plus besoin d’allumer de lampe. » La vieille répondit qu’elle vivait seule avec sa fille, ayant perdu son mari ; si elle la mariait elle n’aurait plus personne. De plus, les mœurs des Enfers ne sont pas les mêmes que celles de la terre. Le jeune homme lui répondit de ne pas s’inquiéter de tout cela ; qu’il laisserait sa femme dans la maison et viendrait seulement la visiter une fois par mois. Si elle y consentait il lui donnerait tout ce qu’elle voudrait, sinon il prendrait la fille quand même.