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Après être rentré dans sa patrie, il fut chargé, en 1776, par le maréchal de Broglie, de la construction de l’hôtel du gouvernement, à Metz devenu le Palais de justice de cette ville. Peu après, l’impératrice de Russie ayant eu le projet de faire construire un palais semblable « à ceux des empereurs romains », elle fit demander en France, à l’Académie d’architecture, un artiste capable de diriger une construction de cette nature, et l’Académie désigna Clérisseau. Toutefois, il ne paraît pas qu’il ait bâti en Russie le palais pseudo-romain souhaité par Catherine[1]. Quand vint la Révolution, Clérisseau, qui ne voulut y

  1. À propos des relations de Clérisseau avec l’impératrice de Russie, la baronne d’Oberkirch raconte, dans ses mémoires, une anecdote qui montre l’artiste français sous un jour singulier ; cette anecdote mérite d’être citée. Le grand-duc de Russie Paul et la grande-duchesse, sa femme, ayant, lors de leur voyage à Paris, en 1782, accepté une invitation de Grimod de la Reynière, ils se rencontrèrent chez le célèbre gourmand avec Clérisseau. Ce que fut cette rencontre, on en jugera par le récit de la baronne d’Oberkirch : « À peine entrions-nous dans la salle à manger, un vrai temple ! qu’un homme s’avança vers M. le comte du Nord (le grand-duc) et le salua ; c’était M. Clérisseau, architecte de l’impératrice de Russie et associé honoraire de l’Académie de Saint-Pétersbourg. Le prince lui rendit son salut avec la même politesse qu’il le fait à tout le monde et fit deux pas en avant. Cet homme lui barra le passage et l’arrêta de nouveau. « Que voulez-vous, monsieur ? demanda le prince. — Vous ne me reconnaissez donc pas, monseigneur ? — Je vous reconnais parfaitement, monsieur ; vous êtes le sieur Clérisseau. — Pourquoi ne me parlez-vous pas, alors ? » Nous crûmes que cet homme était fou. M. le comte du Nord haussa légèrement les épaules et voulut passer outre, apres avoir répondu : « Parce que je n’ai rien à vous dire. — Et vous allez être ici ce que vous avez été chez vous, monseigneur, me méconnaître, me traiter comme un étranger, moi, l’architecte de l’Impératrice, moi qui suis en correspondance avec elle ! Aussi je lui ai écrit, à madame votre mère, pour me plaindre de l’indigne réception que tous m’avez faite. » À ce mot tout le monde se regarda, son