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acres, vous entendez, et pas un pouce de moins ! »

« Il me disait ça en français, car fatigué de mon baragouin anglais et ne reconnaissant pas d’ailleurs ici un « pea-soup », il avait fini par employer cette langue ; ce à quoi je devinai son origine, car les anglo-saxons américains n’apprennent guère les langues étrangères, (du moins les fermiers).

« Le malheureux ignorait que dans l’Ouest où la saison est courte, les fermiers ont choses plus précieuses à faire que de gratter des patates : il le vit lui-même, l’automne suivant, où il fut forcé de laisser la moitié des siennes dans le sol à la risée de tous les voisins déjà indisposés par ses vantardises, ce qui le mit fort en colère, étant pétri de vanité.

« L’orgueil, voilà bien je pense le principe démoralisateur chez ces « déracinés », lesquels, à part ça, ne seraient pas plus méchants que d’autres : mais ils veulent paraître et là gît tout le mal. Sans être foncièrement malhonnêtes, la vanité les pousse souvent, cependant, à friser la malhonnêteté dans leurs transactions, histoire de se montrer « smart » ou « dégourdis » : certains, même, s’en vantent, les naïfs. Il est vrai que les « limites de la bêtise humaine sont inconnues », dit-on.

« Enfin, mon blé était semé. Oh ! ces premières semailles dont je me souviens encore. Tout l’orgueil du défricheur vainqueur de la terre vibrait en moi, lorsque je regardais la belle pièce de culture que ces 20 acres(8 hectares) présentaient à l’œil. Et pourtant qu’était-ce comparé à mes cultures actuelles qui atteignent 200 acres annuellement.

« Ce fut bien autre chose, lorsque huit jours après, le grain commença à lever : alors l’enthousiasme ne connut plus de bornes. On ne se lassait pas de regarder ces belles