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vigueur par l’influence irrésistible du printemps, (en juillet, au contraire elles se seraient fanées), se mirent à reprendre racine pour un bon nombre, si bien qu’à peine fini mes plantations, me voilà déjà débordé par les binages.

« Labeur infernal, fruit de l’inexpérience comme toujours. Pour un novice, je laisse à penser la fatigue de ce binage sans fin que la rapide végétation imposait irrémissiblement. J’aurais pu employer mon temps plus avantageusement à autre chose, mais j’étais entêté et ne voulais pas de contrainte dans les idées. Bref, ce fut encore un été perdu pour une exploitation bien conduite, laquelle doit prévoir la culture du grain qui, par ses sous-produits : paille et criblures, aide à nourrir chevaux, bétail, porcs et volailles.

« Il est vrai qu’il nous était né une pouliche et deux veaux auxquels, sur l’avis de la femme, j’ajoutai une génisse d’un an et demi (15 piastres) cela nous faisait déjà 10 têtes ; mais n’ayant pas de paille comme partie de la ration hivernale, la consommation devait se calculer plus grande de là un surcroît notable de travail et de perte de temps dans la coupe et le charroi à ajouter au reste.

« L’automne venu, notre bourse étant à sec, je décidai de conduire en ville une charge de ces fameuses patates dont je m’étais promis monts et merveilles — elles avaient d’ailleurs très bien rendu.

« Malheureusement, plusieurs autres avant moi — des Galiciens surtout — avaient eu la même idée, et les quelques magasins de Prince Albert. lorsque j’arrivai, étaient déjà approvisionnés : j’eus toutes les peines du monde à placer ma petite charge dans un « store » qui consentit à me les prendre pour 30 sous le minot (il les revendait 60 aux habitants de la ville) mais payables en marchandises : sucre, savon, thé café, etc. en tout (9 dollars).

« Lorsque je rentrai avec ces quelques provisions dans le fond de mon wagon, et pas un sou en poche, ma