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tantinet de blague ; puis, redevenu sérieux : Et vous, Monsieur, viendriez-vous des « vieux pays » ? Vous ne me paraissez pas avoir l’accent d’ici.

Enchanté de rencontrer un compatriote à cet endroit, je m’empressai de lui répondre qu’effectivement nous venions de France et qu’en ce qui me concernait, si je n’étais pas né sur les bords de la Seine, je n’en habitais pas moins la Capitale depuis une quinzaine d’années.

Alors, ce fut un enchantement dans le logis : le vieux nous serrait les mains avec effusion, tandis que la fille avait déjà couru au buffet et que les autres se rangeaient joyeusement pour nous faire place à table. Mais mon compagnon, soucieux avant tout de sa « monture » embourbée, ne put s’empêcher d’exposer ses justes inquiétudes

— Ne vous en faites pas ! conclut notre compatriote après l’avoir écouté avec attention, je vois où est votre machine, car vous n’êtes pas les premiers à déraper là et nous avons déjà dû en sortir d’autres : tout à l’heure les garçons vont « embarquer » dans la Ford et vous ramener ça dans la cour.

— C’est que, objecta X… par discrétion, mais en souriant, nous devions camper ce soir au Lac Croche et alors…

— Oui, attendez un peu, coupa le fermier, que j’aille vous laisser partir comme ça, sans causer un brin ! La maison est grande, vous camperez ici. Pour l’instant, Messieurs, faites-nous d’abord la faveur de casser la croûte avec nous ; après, « on verra voir à voir, » comme dit la chanson !

Nous n’avions d’ailleurs guère envie de reprendre la route ; rassurée sur le sort de notre voiture que les jeunes gens effectivement devaient ramener en bon ordre une demi-heure après, nous fîmes honneur au repas qui, de frugal qu’il avait paru être à notre entrée, s’était transformé en petit festin.

Pendant les chaleurs, les fermiers canadiens ne « tuent » guère, se con-