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Dans l’expectative, j’avais abattu et charrié une quinzaine de charges de bois sec, lequel ne manquait pas alors ; ceci fait, prenant mon courage à deux mains, je creusai un puits d’une huitaine de pieds qui, en vingt-quatre heures, se trouva plein aux deux tiers ; il ne restait plus qu’à le couvrir contre la gelée, travail qui me prit deux heures. Maintenant nous étions parés pour l’hivernage.

« Les choses qu’on a redoutées longtemps à l’avance ne font guère impression lorsqu’elle se produisent enfin. Notre premier hiver en Canada ne devait pas échapper à cette règle. Après une suite de tranquilles gelées nocturnes qui, vers la fin du mois avaient fini par solidifier la surface des lacs, forçant les innombrables canards qui les habitaient à émigrer au Sud, une mince couche de neige couvrit la terre en même temps que la température s’abaissait, mais cela n’affecta pas la transparence de l’air, et le soleil resta brillant presque tout novembre.

« C’était un heureux temps pour la chasse aux chevreuils dont les « pistes » se montraient multiples sur la neige, et aussi pour la « trappe » des bêtes à fourrures dont les traces ne manquaient pas non plus autour des lacs et marais : lynx, coyotes, renards, visons, hermines, rats musqués surtout ; mais il me fallait des pièges pour prendre ce nouveau gibier, et où en trouver sans argent ?

« Par bonheur, mes voisins les Anglais (car tout le nord de ce coin est peuplé de Canadiens-anglais venus de l’Ontario — à l’Est ce sont les Scandinaves) m’employèrent quelques jours à leurs infimes battages, je pus donc me faire venir une douzaine de « traps » avec la manière de s’en servir. Quelle chance pour des amateurs comme nous, d’aborder enfin cette chasse mystérieuse des fourrures.

« Il va sans dire que les premiers