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dans une ruche ; une seule y peut régner à la fois. Depuis un mois que nous étions installés chez ces personnes, la chose n’était pas non plus sans inconvénients pour eux. Habituée à être maîtresse dans sa cuisine, Mme R…, un peu autoritaire de tempérament, était obligée d’en tolérer une autre dont les idées n’étaient pas toujours les siennes ; et puis, les enfants s’entremêlaient : ma femme avant un jour menacé un mioche d’une calotte, ce fut toute une affaire !

« Comme de notre côté nous étions gênés dans nos épanchements, nous résolûmes d’aller loger sur notre terre. Nous voilà donc partis un beau matin emmenant chevaux et animaux (car nous avions acheté deux vaches avec leurs veaux).

« En ce temps-là, vu les pluies d’été abondantes, la terre étant saturée d’humidité, l’herbe poussait très vite sitôt le dégel ; notre domaine nous fit l’effet d’une vaste pelouse. Nous y lâchâmes de suite nos vaches : après avoir précautionneusement attaché leur veaux dans l’étable pour forcer icelles à revenir se faire traire ; nous donnâmes du foin aux chevaux, puis nous voilà à déballer nos quelques meubles.

« Chez nous !… Enfin, nous avions un chez-nous ! Le fait de ne plus dépendre d’un « proprio » quel qu’il fût, nous semblait la chose la plus merveilleuse du monde, et nous nous regardions heureux.

« Pourtant, l’installation n’avait rien de rutilant : une cabane en « logs ronds », bousillée de terre grise, quelques meubles de bois blanc et un buffet formé de caisses, voilà tout le logis que rehaussait seul un assez bon poêle de cuisine orné de nickelures. Mais ces choses étaient… sur ma terre ! Désormais il y un coin du monde où je n’aurais à rendre de comptes à personne, (Patron, chef de bureau, propriétaire, concierge, voisins, etc…).

« Et ce coin, pour l’instant, semblait un vrai paradis. Bien qu’on