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lonté que j’avais montrée, il parlait non seulement de m’aider à finir maison et étable — ce qu’il tâcha de faire — mais encore de fournir un homme et les chevaux nécessaires pour me « casser » 15 acres à cultiver l’année suivante — ce qui n’eut pas lieu. — « Ne vous laissez pas abattre par le manque de réussite durant les premiers temps, me dit ce pauvre homme, je connais ça pour y avoir passé on a comme une fatalité après soi. Il en est ainsi pendant 2 ou 3, ensuite on prend pied. Il y a longtemps que je l’ai dit : dans ce pays-ci, le premier « Cinq piastres » est plus difficile à réaliser que le premier « Cent piastres » !

« Ces paroles, certes, étaient aussi judicieuses que celles de M. De M…, elles pêchaient cependant, selon moi, par la méconnaissance d’un principe contesté il est vrai des trois quarts de l’humanité, mais que le quatrième quart, la classe des malheureux connaît très bien la « Chance »… facteur réel dans ce grand drame qu’est la vie humaine.

« Je vous vois sourire, Messieurs, et je vous excuse car, encore jeunes tous deux et ayant de plus probablement ce nerf de la lutte pour la vie : l’argent, vous dites en vos cœurs avec assurance : « Sa chance on la fait soi-même ! Je connais le refrain »…

« Mais croyez-vous donc qu’à l’âge où vous me voyez arrivé j’en sois encore comme au temps de la jeunesse à formuler des opinions « à vue de nez » sans jamais vérifier. Voilà 40 ans que je suis penché sur le problème des destinées humaines, et cette étude constante m’a donné à rejeter le déterminisme borné du siècle où je suis né le — XIXe — ainsi que sa croyance au seul Hasard ! Il y a des malheureux marqués d’un destin mystérieux, véritables parias de la vie, qu’aucun de leurs efforts n’amènera jamais au niveau d’une prospérité moyenne.

« Que j’en ai connu dans l’Ouest