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À ce point de son récit, M. Déry s’arrêta pour bourrer sa pipe et, s’adressant aux siens qui, comme nous, l’écoutaient avec intérêt, bien que ce ne fut pas là pour eux probablement choses nouvelles, il leur dit avec cette sorte d’enjouement qui lui venait quelquefois et contrastait avec son air ordinairement amer :

— Dites donc, mes chats, il ne faudrait pourtant pas, sous prétexte de prohibition, nous laisser mourir de soif ici ; montez-nous donc de la bière, ensuite vous pourrez aller vous coucher, il est dix heures ! Toi, Louise, n’oublie pas de préparer la chambre de ces messieurs qui ont probablement aussi besoin de dormir !

Nous nous empressâmes d’affirmer à notre hôte qu’il n’en était rien et qu’au contraire, par cette belle nuit d’août, éclairée de la lumière boréale dont nous pouvions admirer la splendeur à travers sa grande bay-window treillissée — laquelle laissait entrer l’air mais non les insectes nocturnes — le charme était grand d’entendre un conteur de sa verve. Il sourit, et après avoir rempli nos hanaps de verre doré et mis devant nous un paquet de ces petits cigares « Empire », dont l’arôme égale presque celui du londrès, il reprit complaisamment la suite de son histoire.


Le Homestead


« Les parents de la famille A… nous avaient donné une lettre de recommandation pour des amis habitant à cinq milles d’ici un petit groupement de colonisation qui s’est appelé depuis Crystal Springs, lesquels devaient nous piloter sur notre « homestead » prudemment retenu au bureau de Duck Lake, et nous aider à en trouver les bornes. Or, un soir, le voiturier de l’endroit vint me dire que le conducteur de la malle, ce jour-là, en traversant la rivière Saskatchewan (à 6 milles de la ville) avait trouvé de l’eau sur la glace, indice d’une débâcle pro-