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pas que tout le monde se mit à le désirer et à chercher les moyens d’en faire secrètement !

« Ce furent les Galiciens du Sud de chez nous qui, les premiers, résolurent la difficulté en employant au lieu d’alambics (impossibles à se procurer) une simple marmite avec combinaison de couvercles garnie d’eau froide pour la condensation de la vapeur alcoolique. En un rien de temps leur secret s’était répandu partout, et bien rares les fermes dans un rayon de 30 milles où ne bouillait pas le « homebrew », à base de sucre et de pommes de terre. De là à prendre l’habitude d’en boire, il n’y avait qu’un pas : il fut franchi, et depuis l’alcoolisme est devenu chronique dans toutes les colonies galiciennes, ruthènes, hongroises et slaves de la province où il était à peu près inconnu auparavant. Tout cela est de l’histoire… ignorée !

« Depuis, le gouvernement a bien rétabli son ancienne régie, mais il est trop tard, et les campagnards ont leur alcoolisme comme du temps des bars les citadins avaient le leur. D’ailleurs, comme dans un but prohibitif, il a doublé ses prix, on ne va guère à lui : une nouvelle industrie — clandestine —, s’est créée, celle du « homebrew », laquelle, dit-on, rapporte bien mieux que la culture du blé.

« Écoutez cette anecdote pour finir :

« Un inspecteur du gouvernement était passé, il y a quelques années, pour faire enquête là-dessus : avisant un fermier sur la route il lui dit confidentiellement :

— Il y a 25 dollars à gagner pour vous si vous m’indiquez quelqu’un faisant du homebrew dans les environs !

Vingt-cinq dollars ? répondit l’autre d’un air drôle, mais moi je vous en offre cent si vous m’en citez seulement un qui n’en fasse pas !

« L’inspecteur estomaqué partit droit devant lui ; jamais oncques ne le revit…