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pensés par l’injustice à notre égard. Et pourquoi, après tout, nous étonnerions-nous d’une telle récompense ? N’est-ce-pas toujours l’honnêteté qui tombe sous la dent des requins ? On est porté à dire chez les moralistes : « L’honnêteté c’est toujours ce qui paye le mieux ! » En est-on sûr ? À mon avis, la maxime vaut, je pense, celle du « qui paye ses dettes s’enrichit » ! Ah ! oui, belle maxime, en vérité, mais belle et profitable surtout pour le créancier cupide ou malhonnête. Nous nous sommes efforcés de payer une grosse partie de mes dettes, et que nous reste-t-il aujourd’hui ? notre probité ! Ah ! oui, dis-moi si cela nous donnera à manger ! Ne penses-tu pas que nous aurions été plus honnêtes en ne payant rien ou à peu près et d’attendre que M. Moore, vint comme aujourd’hui nous mettre à la porte ? Vois-tu, nous aurions dans notre bourse 5,000 dollars pour aller nous installer paisiblement sur notre homestead

À son tour Placide se laissa emporter par l’indignation et longtemps il ne cessa de récriminer.

Entre autres il clamait :

— Tous ces pays nouveaux, Flore, attirent toujours et invariablement les sangsues et les requins. Dans les pays de blé les cultivateurs se laissent faire, et s’ils jettent un cri d’alarme c’est quand ils sont égorgés ou sur le point de l’être.

Puis il se plaignait qu’aucune confraternité ne régnât entre les fermiers.

S’il en existe une, ajoutait-il, elle n’est que superficielle et peu durable. Chacun pour soi ! Eh bien ! tant pis pour eux aussi, car c’est tant que durera ce stupide « chacun pour soi » que jamais une organisation solide des fermiers ne se formera pour faire face avec avantage aux agioteurs et larrons de tous genres. C’est le meilleur moyen de retarder ou de ne jamais arriver à la prospérité générale. Sans doute,