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mes précédentes simagrées.

« Je pense que dans cette traversée, je fus le seul du bord à rester bien portant. J’excepte, cela va sans dire, les matelots, lesquels toutefois aux moments critiques avaient soin de s’enfiler de larges rasades de cognac : peut-être bien est-ce encore là le meilleur préventif connu !…

« Débarqués à New Haven, tout trempés d’eau de mer, laquelle sécha sur nous — mais l’eau de mer ne donne pas de rhumatismes — nous montâmes de suite dans le train pour Londres où, pendant notre arrêt de trois heures, je remarquai que les policemen acceptent des pourboires comme de vulgaires commissionnaires. Repartis à 11 h. et voyageant selon la rapidité particulière aux chemins de fer anglais, nous touchions Liverpool vers 6 hrs et demie du matin.

« De cette ville je ne dirai rien, sauf qu’elle nous parut noire, embrumée, triste, enfin de ces enfers ouvriers comme certaines villes du Nord de la France, ou Saint-Denis près Paris. Là, nous devions commencer à sentir la différence de notre civilisation avec celle des autres peuples, et surtout notre isolement. Dans un restaurant d’assez bonne apparence pourtant, on nous servit un repas détestable composé de viandes mal cuites, de beurre rance et de thé nauséeux ; pas de café. Dans toutes les épiceries où nous entrâmes, impossible de trouver du chocolat français genre Menier ou Lombard, rien que quelques barres de chocolat à la crème. Enfin, nous ignorions la langue du pays (sérieux inconvénient en pays saxon) et nous eûmes de grandes difficultés à trouver le chemin du port. Ces graves mais orgueilleux insulaires ne riaient certes pas de notre baragouin, mais ils ne daignaient pas non plus chercher à le comprendre : la plupart continuaient imperturbablement leur route soit par dédain du « foreigner », soit pour ne pas perdre de temps. « Time is