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chir une impasse, et cette vertu doit être renforcée par l’amour du travail et la persévérance. Et encore cette persévérance ne doit-elle pas être une rétive opiniâtreté : la persévérance, sait voir et prévenir, elle sent et flaire et n’agit qu’à bon escient : tandis que l’opiniâtreté le plus souvent est aveugle, impatiente et sans retenue, et le plus souvent aussi elle se jette contre les obstacles et s’y brise risiblement.

Placide possédait le vrai courage et la bonne persévérance, mais, peut-être était-il aussi opiniâtre. Sans doute, l’opiniâtreté peut être utile et bonne à un certain degré et en certaines circonstances, mais elle est toujours sujette à l’emportement et peut entraîner à une fausse manœuvre.

Quant à Flore, elle avait aussi le vrai courage et elle était d’un tempérament plus calme que son mari. Elle entretenait une paisible et douce persévérance dans tout ce qu’elle entreprenait, et à cette vertu s’ajoutait une confiance bien équilibrée en elle-même et en son mari.

« Prendre notre courage à deux mains… » avait-elle dit ? C’est donc qu’elle le possédait véritablement ce courage et elle le prouva de suite en ajoutant :

— Placide, il va falloir économiser, nous priver, faire tous les sacrifices possibles. Je reconnais bien que notre première tentative sur la ferme est loin d’être encourageante et bien d’autres à notre place se laisseraient aller à un dangereux découragement. Mais pour tous il importe de résister fermement au mauvais sort et d’espérer que la récolte de l’an prochain viendra nous compenser largement.

— J’aime à t’entendre parler ainsi, ma chère et courageuse amie. Ton courage réconforte le mien. Je suis prêt à tous les sacrifices ; mais que j’aurais de chagrin à te voir souffrir !

— Ah ! mon ami, je ne saurais souffrir si toi-même tu ne souffres