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lin — CENT-TRENTE MILLE MINOTS !

Dites : n’était-ce pas suffisant pour émerveiller ces nouveaux venus dans le pays ?

— Et notez, ajoutaient ces employés, qu’il y a dans le pays des centaines de ces machines…

C’était inimaginable !

Et quelquefois, au milieu de ces champs qui semblaient infinis, on pouvait voir se dresser, avec un air de liberté et de puissance qui grisait, de belles maisons de ferme et de hautes étables.

Bref, on croyait entrer dans le pays des rêves ! On regardait le ciel illuminé pour le comparer à la terre, et il semblait à ces gens que la terre, telle qu’elle leur apparaissait à ce moment, fût préférable au ciel.

Tout ce jour on traversa ces fertiles champs du Manitoba. Vint le crépuscule… puis la nuit.

La nuit, naturellement, on ne voit rien, en chemin de fer moins qu’ailleurs.

Le lendemain, le jour survint après qu’on eut dépassé Hudson Bay Junction et alors qu’on ne se trouvait plus qu’à 150 milles de Prince Albert. Après le beau rêve et les splendides visions de la veille, on retombait lourdement dans une implacable réalité : l’hiver était revenu ! Une neige épaisse recouvrait la terre, le firmament était sombre et menaçant et il faisait froid. Le tableau qu’on voyait est facile à ébaucher : de la neige et des bois… bois de trembles, d’épinettes, de saules. Pas un morceau de prairie, hormis, çà et là, un marécage qu’on aurait pu prendre — sans la connaissance du pays — pour une savane. Et partout la solitude… Pas une case, pas une chaumière… pas un de ces paisibles et onduleux panaches de fumée blanche qui indiquent la douceur du foyer… rien ! Des bois et des bois de chaque côté de la voie ferrée, du ciel gris-sombre, de la neige ! Et le convoi file à 30 milles à l’heure sur une voie mal