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place prise par « un jeune monsieur » qui sortait du collège, et dont les mains trop fines et trop blanches ne pouvaient qu’être malhabiles aux travaux des champs. C’est pourquoi le cadet regimba… c’est pourquoi il en vint jusqu’à menacer son père de le quitter pour toujours, si Placide osait prendre sa place et le mener par « le bout du nez ».

La réflexion avait aussitôt dominé les prétentions de Placide. Il s’étais mis à rire. Puis, pour ne pas prendre la place de personne et encore moins se trouver à charge de ses parents, il s’en était allé à Québec.

Le commerce… s’était-il dit un jour… voilà « ma branche ».

En effet, le commerce et l’industrie peuvent ouvrir de larges portes à la jeunesse canadienne-française… On ne semble avoir aperçu cette carrière, pour l’homme instruit, que depuis quelques années seulement en notre pays du Canada. Avant, on entassait dans les professions libérales, dans les couvents et dans le clergé. Outre bien d’autres carrières propres à l’homme d’instruction, on oubliait encore, et on l’oublie toujours, l’Agriculture qui, plus que jamais, demande et exige des hommes instruits, lesquels, seuls, pourront relever la classe de cultivateurs à un même niveau social où se tiennent les hommes des autres carrières.

Placide Bernier, pour l’instant et sans expérience de la vie et sans guide, entra dans le service d’un grand magasin à rayons de la rue Saint-Joseph, à Québec. Or lui, qui n’aimait pas à servir, se voyait bien forcé de servir une clientèle. Lui, qui ne se sentait pas fait pour vivre sous la loi d’un maître, était bien contraint de servir cent maîtres, mille… dix mille maîtres au lieu d’un seul. Certainement le commerce n’avait rien de désagréable en soi pour Placide : au contraire, il trouvait le commerce bon, même excellent, pourvu qu’on y fût le